Depuis 1993, le Comité anti-torture du Conseil de l’Europe (CPT) a régulièrement recommandé aux autorités luxembourgeoises de mettre fin à l’incarcération d’enfants dans le centre pénitentiaire pour adultes. Encore en 2023, le CPT déplorait que cette recommandation n’ait toujours pas été mise en œuvre. Le Comité des droits de l’enfant en 2021 recommandait également « instamment » au Luxembourg de supprimer totalement la possibilité de transférer un enfant dans une prison pour adultes.
Pourtant, depuis 2021, plus de 25 enfants ont encore été incarcérés au centre pénitentiaire pour adultes.
Un projet de loi nécessaire
Le projet de loi n° 7991, actuellement en discussion, prévoit d’introduire une procédure pénale spécifique pour les mineurs. Ce texte interdit l’incarcération d’enfants dans des prisons pour adultes, stipulant qu’ils ne pourront être privés de liberté que dans un « centre pénitentiaire pour mineurs », et uniquement en dernier recours. Le projet met également en avant des mesures non judiciaires ou non privatives de liberté, bien que ces dernières ne soient pas encore suffisamment développées.
La privation de liberté dans une prison pour adultes devrait être une mesure proscrite, sans attendre le changement de loi.
Néamoins, même dans une structure « pénitentiaire pour mineurs », et dans les rares cas où elle serait justifiée, elle devrait s’appliquer uniquement à des enfants plus âgés, être strictement limitée dans le temps et faire l’objet d’un examen régulier1. Surtout, cela ne doit être qu’une mesure de tout dernier recours et cette structure doit être dotée d’un personnel spécialement formé et fonctionner selon des politiques et des pratiques adaptées aux enfants2.
Des conséquences néfastes
L’adolescence étant une phase cruciale de transition, une privation de liberté à ce moment peut engendrer des conséquences particulièrement néfastes. En effet, l’isolement, l’éloignement des proches, la conflictualité pouvant exister entre les enfants se trouvant privés de liberté sont autant de facteurs qui entravent leur capacité à mûrir psychologiquement3. Cette privation de liberté compromet également leur aptitude future à ne pas retomber dans la délinquance et à se resocialiser4.
La littérature scientifique, dont les neurosciences, montrent aussi que la maturité cérébrale n’aboutit qu’à l’âge d’environ 25 ans. Avant cet âge, les enfants et les jeunes adultes disposent d’une structure décisionnelle différente de celle des adultes5.
Un enfant n’est pas un adulte
Un autre aspect problématique de la législation actuelle6 réside dans le fait qu’un enfant de plus de 16 ans peut être jugé et sanctionné comme un adulte (« renvoi selon les formes et compétences ordinaires »). Le recours à cette procédure, même si elle ne serait appliquée que dans des situations exceptionnelles, ne devrait plus l’être car elle ne permet pas de mettre en place des mesures adaptées à la situation de l’enfant.
Le projet de loi n° 7991 prévoit de supprimer cette possibilité, ce qui constitue une avancée.
Cette procédure, tout comme la privation de liberté en prison pour adultes, sont contraires aux droits de l’enfant et elles ne devraient plus être utilisées, ce sans attendre le changement de législation.
Mettre en œuvre les droits de l’enfant : une urgence
Comme l’a souligné le Comité des droits de l’enfant en 2021, le Luxembourg doit « faire en sorte que tous les enfants âgés de moins de 18 ans, sans exception, qui sont soupçonnés, accusés ou reconnus coupables d’une infraction pénale soient pris en charge dans le cadre du système de justice pour enfants ».
UNICEF Luxembourg estime qu’il est grand temps pour les autorités luxembourgeoises de ne plus seulement entendre les recommandations du Comité des droits de l’enfant ou du CPT mais d’enfin passer à l’action en les mettant effectivement en œuvre.
—FIN—
Footnotes
1 Comité des droits de l’enfant, Observation général n° 24 sur les droits de l’enfant dans le système de justice pour enfants, § 6 et 78.
2 Comité des droits de l’enfant, Observation générale n° 24, § 92
3 Alice Simon, « Les effets de l’enfermement sur les mineurs détenus », Direction de la protection judiciaire de la Jeunesse Ministère de la Justice, 2023, p. 102 ; Richard Mendel, « Why Youth Incarceration Fails: An Updated Review of the Evidence », 1/03/2023, The Sentencing Project.
4 Comité des droits de l’enfant, Observation générale n° 24, § 92
5 Voir par exemple Frieder Dünkel, « Jugendkirminalpolitik in Europa und den USA: Von Erziehung zu Strafe zurück? » (Jugend ohne Rettungsschirm, Herausforderungen annnehmen, Nürnberg, (septembre 2013), https://www.dvjj.de/wp-content/ uploads/2019/06/29.-JGT-2013-N%C3%BCrnberg.pdf, p. 555.
6 Article 32 de la loi du 10/08/1992 relative à la protection de la jeunesse
Liens & téléchargements
Pour plus d’informations sur la situation des enfants en conflit avec la loi au Luxembourg et sur les possibilités de mesures non judiciaires et non privatives de liberté permettant de renforcer le système, nous renvoyons au rapport rédigé par UNICEF Luxembourg, en collaboration avec l’OKAJU :
A propos de l’UNICEF
Depuis plus de 75 ans, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) travaille sans relâche dans 190 pays et territoires pour les droits de l’enfant et pour le bien-être de chaque enfant. Qui qu’ils soient. Où qu’ils vivent. Pour les aider à réaliser leur potentiel. Et nous n’abandonnons jamais.
UNICEF Luxembourg, fondé en 1979, sensibilise le public à la situation des enfants et collecte des fonds pour les projets et programmes de l’UNICEF dans le monde entier.
Dépendant entièrement de contributions volontaires, notre travail n’est possible que grâce à nos donateurs, notre réseau mondial de partenaires et nos équipes à travers le monde.
Contact
UNICEF Luxembourg
Paul Heber
Chief Communication
T. 44 87 15-26 / M. 691198105
Email : pheber@unicef.lu