Lors de la visite récente du Dr Mariame Sylla, Spécialiste de la Santé maternelle et néonatale du bureau de l’UNICEF en Ethiopie, UNICEF-Luxembourg a organisé une Soirée d’information sur le programme quinquennal qui inclut des activités de prévention, ainsi que des soins médicaux spécialement adaptés à des femmes souffrant des conséquences de la mutilation génitale féminine.
La situation en Ethiopie
Considéré comme un des berceaux de l’humanité, l’Ethiopie a un territoire de plus d’un million de km2 et une population de presque 100 millions d’habitants. Un tiers de la population vit avec moins de 2 dollars par jour et presque 3 personnes sur 4 vivent sans électricité.
La plupart des communautés – surtout dans les régions Afar et Somali – sont gérées par des structures patriarcales, où les hommes attribuent une importance particulière à la chasteté avant le mariage.
Pour cette raison, leur tradition prévoit l’application de mesures sévères pour la sauvegarde de la virginité, notamment la pratique du type le plus extrême de l’excision féminine – l’infibulation pharaonique qui prévoit le rétrécissement de l’orifice vaginal avec recouvrement par l’ablation et l’accolement des petites lèvres et/ou des grandes lèvres, avec ou sans excision du clitoris.
La plupart des familles pratiquant cette tradition ne la considèrent pas comme une pratique nocive, mais comme un pas essentiel vers une acceptation sociale de leur fille.
Dans les régions Afar et Somali, plus de 90% des femmes doivent subir la mutilation génitale féminine, raison pour laquelle le programme d’UNICEF-Luxembourg cible les deux régions.
Interview avec le Dr Sylla
Nous avons parlé au Dr Sylla sur les conséquences des mutilations génitales féminines, ainsi que sur l’aide fournie par l’UNICEF en Ethiopie.
Dr Sylla, quelles sont les conséquences de la mutilation ?
La mutilation génitale féminine désigne l’ablation totale ou partielle des organes génitaux féminins externes.
Environ 130 millions de femmes et filles dans le monde sont excisées et toutes les 10 secondes, une petite fille subit le même sort.
Les conséquences sont terribles, car souvent, sans anesthésie et dans des conditions peu hygiéniques, l’excision entraîne des infections chroniques ou même la mort.
Que fait l’UNICEF dans le cadre de son programme de lutte contre les MGF ?
D’un côté, nous faisons un travail de prévention. C’est à dire que nous travaillons avec des chefs de villages, des leaders religieux, des groupes de femmes et des communautés entières pour les informer sur les conséquences négatives de la mutilation génitale féminine. L’ultime but est d’atteindre un abandon collectif dans tous les villages.
De l’autre côté, notre programme offre des soins médicaux spécialement adaptés à des femmes et à des filles ayant déjà subi une excision génitale et souffrant majoritairement de conséquences telles que la rétention urinaire, des infections, des troubles de menstruation, la stérilité, des difficultés dans leurs rapports sexuels et des complications pendant l’accouchement avec un risque accru de décès du nouveau-né. Grâce à ces interventions médicales, les femmes ne doivent plus supporter des douleurs dans leur quotidien, ce qui améliore non seulement leur qualité de vie, mais aussi leur bien-être de façon considérable.
Comment l’implantation des soins médicaux fonctionne dans les régions rurales ?
Avant le démarrage de notre programme, aucune infrastructure médicale dans les deux régions éthiopiennes Afar et Somali n’avait les capacités pour offrir des traitements d’effets secondaires liés à l’excision féminine. Même les femmes infibulées qui étaient enceintes n’avaient aucune possibilité pour se faire ouvrir sous surveillance médicale, afin de permettre l’accouchement de leur bébé.
Aujourd’hui, bien que nous ayons encore un long chemin devant nous, l’UNICEF, en collaboration avec les autorités gouvernementales et de nombreux partenaires locaux, a déjà pu offrir à 6 hôpitaux, 51 centres de santé régionaux et 252 petits postes de santé communautaires la possibilité de fournir des traitements à des femmes excisées. Pour y arriver, nous avons procuré aux hôpitaux des cystoscopes et un éclairage chirurgical – des équipements essentiels pour détecter les raisons de sang dans l’urine, des infections urinaires fréquentes, des vessies hyperactives ou encore des douleurs pelviennes – tous des symptômes et complications fréquentes que l’on rencontre chez des femmes infibulées.
Combien de femmes ont déjà pu profiter de cette nouvelle offre médicale et quel est l’objectif final du programme ?
Au bout d’à peine un an, 2.240 femmes ont déjà pu être traitées. Les derniers chiffres reflètent aussi une augmentation des consultations mensuelles – avec environ 350 cas dans la région de Somali et 292 cas en Afar. Avec le budget disponible pour notre programme, nous visons à atteindre d’ici 2019 la moitié de toutes les filles et femmes excisées dans les deux régions, ce qui devrait apporter une contribution importante à l’objectif du Gouvernement éthiopien qui prévoit l’abolition totale de la mutilation génitale féminine en 2025.
Quelles sont les prochaines étapes dans le cadre du programme ?
Pour augmenter le nombre de traitements, il faudra du personnel médical – médecins, sages-femmes et infirmières capables de conseiller et de prendre en charge les femmes. Il est donc prévu de recruter des gynécologues supplémentaires et de former plus de docteurs et d’assistants médicaux dans les infrastructures médicales régionales et locales.
Le programme prévoit aussi d’acquérir de l’équipement supplémentaire pour 9 hôpitaux dans le but de pouvoir fournir les soins médicaux nécessaires aux patientes.
De plus, du matériel didactique a été conçu par l’UNICEF et le Ministère de la Santé pour former le personnel médical à tous les niveaux dans les spécificités des traitements d’effets secondaires liés à l’excision, ainsi que dans la gérance des dossiers des patientes. Ce matériel sera traduit dans toutes les langues locales.
Et bien évidemment, les activités de prévention, visant à provoquer un changement de mentalité dans les communautés, sont également essentielles pour porter l’existence de l’offre de soins médicaux à la connaissance des victimes. C’est pourquoi les messages anti-MGF, qui ont été développés, seront également traduits dans les langues locales.
La Fondation Espoir
Abritée sous l’égide de la Fondation de Luxembourg, la Fondation Espoir fournit un soutien essentiel et précieux dans la lutte de l’UNICEF pour l’abolition de la mutilation génitale féminine en Ethiopie.
Ce partenariat ouvre un nouveau chapitre historique dans la lutte contre l’excision féminine à partir du Luxembourg, permettant de faire un grand pas en avant pour le respect des droits et de la santé des filles et des femmes en Ethiopie.
Comment aider ?
Les activités des équipes UNICEF sur place peuvent être soutenues par un don (déductible des impôts) :
- Sur le compte CCPL d’UNICEF-Luxembourg
IBAN LU71 1111 2144 2050 0000 avec la mention « Stop FGM » - Sur le site web unicef.lu/fgm